La neutralité de notre pays a été admise et reconnue officiellement à partir de 1815 (Congrès de Vienne puis, la même année, Traité de Paris).
Lors des deux premières guerres mondiales, la Suisse a donc pu se prévaloir de ce statut reconnu politiquement pour ne pas prendre parti vis-à-vis des camps belligérants. En conséquence, elle en a retiré un certain nombre d’avantages qui lui ont procuré, il faut bien le reconnaître, sécurité, prospérité, stabilité: elle n’a pas été attaquée et n’a donc pas eu à subir les séquelles terribles d’un conflit armé, elle a pu poursuivre sans discontinuer des relations commerciales avec toutes les parties, elle a vu affluer sur son territoire de très nombreuses organisations internationales soucieuses de se développer et d’agir dans un climat serein. Et, cerise sur le gâteau, la Suisse en a aussi recueilli un certain prestige en offrant à divers pays en conflit ses bons offices diplomatiques. Bref, la neutralité a conféré à notre pays une aura indéniable: on envie notre patrie, on l’admire! Pourtant, mettre à l’imparfait les deux verbes susmentionnés serait maintenant peut-être plus adéquat…
Les temps changent… Et le contexte du conflit russo-ukrainien a considérablement bouleversé la donne! La Suisse a repris assez rapidement à son compte la quasi-totalité des sanctions de l’Union européenne contre la Russie de Poutine, et ceci avec le soutien de tous les partis politiques, à l’exception de l’UDC. Devant la barbarie délibérée et monstrueuse du dictateur du Kremlin, notre pays, agissant de la sorte, a il est vrai fait une entorse à une neutralité stricte en s’alignant ainsi derrière l’Europe. Mais pouvait-elle faire autrement? Ce n’est pas de l’opportunisme mais du réalisme, d’autant plus que le rusé et cynique despote russe ne se cache plus de sans cesse remettre en cause les valeurs de nos démocraties occidentales, totalement décadentes à ses yeux (sous-entendu: c’est beaucoup mieux dans mon pays, en Russie!!!). Alors oui, nous sommes ainsi concernés tout aussi directement! D’ailleurs, l’opinion publique, dans sa grande majorité, est derrière nos autorités.
Survient alors la question de l’aide militaire indirecte à l’Ukraine. La Suisse vend des armements et munitions à divers pays d’Europe mais interdit à ceux-ci de les offrir à l’Ukraine attaquée et violentée. L’Europe et les USA ne comprennent plus! Les incroyables contorsions de la Suisse vis-à-vis de la neutralité commencent à agacer et à fâcher. On peut tout à fait comprendre qu’ils ne comprennent pas. C’est d’ailleurs souvent comme ça: à vouloir contenter tout le monde, on finit par fâcher tout le monde!!!
Le statut initial de neutralité octroyé à la Suisse est devenu obsolète car il ne tient pas compte de l’évolution géopolitique de notre époque. Tout en conservant son fondement, et pour lever et clarifier certaines ambiguïtés, Il serait peut-être souhaitable et grand temps de le corriger et de l’adapter…
Michel Hangartner
Vallorbe